Aujourd’hui âgée de 86 ans, Na Baya, qui avait participé à sa manière à ce combat libérateur en préparant à manger aux moudjahidine, garde en mémoire, dans les moindres détails les évènements, ayant marqué l’annonce de l’indépendance du pays.
"C’est une joie indélébile, un évènement que je ne peux oublier même si je perdais toute ma raison", a-t-elle dit.
"Après tout ce que nous avions vécu comme persécutions, privations, humiliations, peur et stress en permanence, c’était comme une révélation divine et une nouvelle naissance. Pouvoir vivre sans cette peur, imaginer qu’on pouvait circuler librement sans avoir à se justifier était inouïe, c'était presque incroyable", se souvient-elle.
Vivant alors à Raffour, à l’Est de l’actuelle wilaya de Bouira, où son défunt mari, Rabah, était employé à la Société d’entreprise générale nord africaine (SEGNA), elle se rappelle des expressions de joie "parfois démesurées, dépassant toute retenue, comme si les gens étaient dans un concours ou une compétition d’expressions de leur joie".
Les gens étaient dans les rues du village et descendaient des villages et douars environnants pour exprimer leur joie, et beaucoup, hommes, femmes et familles entières, s’embarquaient au hasard dans des camions en direction d’Alger pour défiler et fêter "l’istiqlal"(l'indépendance).
Et dans cette allégresse, raconte-t-elle pour l’anecdote, son mari, n’ayant pas le temps de venir à la maison, s’embarqua lui aussi dans l’un de ces camions la laissant 3 jours sans rien à manger elle et ses 4 enfants.
"Il était parti défiler à Alger directement de son travail sans même nous laisser de quoi manger à la maison. J’étais avec mes enfants et pendant 3 jours je faisait bouillir du pain sec pour calmer nôtre faim", raconte-t-elle.